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La Lettre

1/25 – Vivre selon ses convictions, assumer ses responsabilités

Vivre selon ses convictions, assumer ses responsabilités

La lettre 1/25, 18.12.2025, Text: Mathis Füssler
Stripes Square de Ruckstuhl ; Trix et Robert Haussmann (SWB) ; matériau : laine recyclée. Photo : Ruckstuhl AG

Mathis Füssler : Adrian, Ruckstuhl est une entreprise à la longue histoire. Qu’est-ce qui, selon toi, caractérise le plus fortement l’entreprise aujourd’hui ?

Adrian Bechtold : À la fois la continuité et l’ouverture au nouveau. Ruckstuhl est implantée à Langenthal depuis plusieurs générations, et une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui repose sur un savoir qui s’est construit au fil des décennies. Cette compréhension de l’artisanat, du matériau et du temps nous façonne. Nous ne pensons pas en cycles éphémères, mais dans une perspective de long terme.

MF : Comment cette posture se manifeste-t-elle concrètement ?

AB : Par exemple dans le fait que nous développons des produits conçus pour être utilisés longtemps. Nos tapis sont réparables, modulaires et conçus de manière intemporelle – donc de qualité. Un bon produit peut vieillir. Ce n’est pas un défaut, mais une qualité. Cette manière de penser est profondément ancrée dans notre culture d’entreprise.

MF : Ruckstuhl produit en Suisse. Pourquoi ce choix ?

AB : Parce que la proximité compte : avec les collaborateur·rice·s, les matériaux, les processus. Produire en Suisse signifie qualité et responsabilité. Nous savons qui travaille sur les machines et d’où proviennent nos matériaux. Ce n’est peut-être pas la voie la moins coûteuse, mais c’est la plus honnête.

MF : L’écologie est et a toujours été un thème central chez Ruckstuhl. Comment cela se traduit-il concrètement ?

AB : L’écologie commence par la question de la nécessité. Nous ne produisons pas de produits dictés par des tendances à court terme. Nos principaux matériaux sont des fibres naturelles, en particulier la laine – une ressource renouvelable aux propriétés remarquables. Par ailleurs, nous optimisons continuellement nos processus. Ce n’est pas un projet ponctuel, mais un travail quotidien – et ce depuis la fondation de l’entreprise, bien avant que la durabilité ne devienne un sujet largement débattu.

MF : Quel rôle joue la conception dans ce contexte ?

AB : La conception est le lien central. Elle détermine si un produit est utilisé – et pendant combien de temps. Le design suisse est traditionnellement fonctionnel et sobre. Cela correspond parfaitement à notre approche. Nos créations ne cherchent pas à être bruyantes, mais durablement pertinentes. Une bonne conception n’a pas besoin de s’expliquer en permanence.

MF : Le Werkbund suisse s’engage précisément pour cette articulation entre conception, qualité et responsabilité. Pourquoi l’affiliation est-elle importante pour vous ?

AB : Parce que le Werkbund est un lieu où ces questions sont sérieusement discutées. Il ne s’agit pas seulement de marketing, mais de posture. Le Werkbund incite les entreprises à prendre position – ce qui correspond pleinement à nos propres convictions.

MF : Quelle est l’importance pour Ruckstuhl de l’échange avec des créateur·rice·s, comme par exemple Trix et Robert Haussmann ?

AB : Il est essentiel. Nos produits naissent du dialogue. Nous collaborons à long terme avec des créateur·rice·s qui partagent nos valeurs. Cela demande de la confiance et du temps. Le design suisse vit de ce type de relations, pas de projets à court terme.

MF : Ruckstuhl est fortement ancrée à Langenthal. Quelle importance cela revêt-il ?

AB : Langenthal fait partie de notre identité. L’histoire industrielle, la tradition textile et le savoir-faire artisanal nous marquent profondément. Nous nous considérons comme faisant partie d’un écosystème local et ouvrons volontairement nos espaces à l’échange et aux événements.

MF : Dans ce contexte, des manifestations autour du design suisse ont également lieu chez vous, notamment le Design Preis Schweiz. Quelle est l’importance de tels formats ?

AB : Ils rendent la conception visible – pas seulement comme mise en scène, mais aussi dans le contexte d’une entreprise de production. La place du design n’est pas uniquement dans les musées, mais aussi dans le quotidien, là où l’on travaille.

MF : Qu’attends-tu des entreprises qui font partie du Werkbund ou qui souhaitent le devenir ?

AB : Qu’elles fassent preuve de responsabilité. Tout n’a pas besoin d’être parfait, mais les décisions doivent être fondées et compréhensibles. Le Werkbund offre un cadre pour cet échange. Pour les entreprises en particulier, c’est essentiel – sinon on risque vite de rester entre soi.

MF : Qu’est-ce qui, selon toi, caractérise une entreprise suisse responsable ?

AB : La capacité de penser à long terme. La conscience de son propre impact – écologique, social et culturel. Et la volonté de s’inscrire dans un contexte plus large. Le Werkbund est un bon lieu pour cela. Une posture ne se manifeste pas seulement dans les paroles, mais dans les actes quotidiens.

MF: Je te remercie chaleureusement pour cet entretien.

Photo: Design Preis Schweiz
Photo: Design Preis Schweiz
Adrian Berchtold fait partie de la direction depuis 2018 et est co-propriétaire de Ruckstuhl AG depuis l’an dernier. Photo : Mathis Füssler

La durabilité comme posture, pas comme tendance

Cette attitude s’inscrit dans la continuité directe de l’histoire du Werkbund suisse. Avec Robert et Trix Haussmann, des créateur·rice·s ont marqué le Werkbund en considérant le design non pas comme une simple question de forme, mais comme une pratique culturelle porteuse de responsabilité sociétale. Leur œuvre associait précision artisanale, réflexion théorique et regard critique sur la modernité – toujours avec une conscience aiguë de l’histoire, du contexte et de la matérialité. Ils incarnent ainsi de manière exemplaire une posture fondamentale du Werkbund : la conception comme tâche à long terme.

Cette continuité se manifeste aujourd’hui dans une collaboration actuelle de Ruckstuhl. La nouvelle collection Haussmann, développée par Circular Living AG, est composée à environ 60 % de laine recyclée issue de vêtements usagés. Elle est complétée par un passeport numérique de World of Pi, qui documente l’origine, les matériaux, l’entretien ainsi qu’un « journal » numérique.

Ce projet constitue un exemple de durabilité vécue au sens du Werkbund. L’histoire du design n’y est pas seulement citée, mais poursuivie – en lien étroit avec la technologie et la conception.

Photo: Mathis Füssler
Photo: Mathis Füssler
Photo: Mathis Füssler
Photo: Mathis Füssler
Photo: Mathis Füssler